Ateliers d’écriture créative pour enfants

Mon idée de créer ces ateliers d’écriture créative pour les enfants de 6 à 10 ans part d’un constat à la fois basique et alarmant sur le niveau général de l’écrit, nourri par la maman d’enfants et la journaliste et citoyenne engagée que je suis.

Un constat qui renvoie pour moi à un chantier public absolument essentiel, à l’heure de la toute-puissance des écrans et de l’expansion fulgurante de l’intelligente artificielle qui est déjà en train de rédiger les devoirs des élèves « en mal d’inspiration »…
Savoir lire et écrire, ce n’est pas savoir déchiffrer un texte ni aligner des phrases mais donner du sens à ce qu’on lit et écrit.

Savoir écrire, c’est savoir penser. C’est savoir poser un regard sur soi-même, sur les autres, sur le monde qui nous entoure et se relier, au travers des mots, à soi-même et à une communauté de pensée et de valeurs. C’est pouvoir s’inventer un monde intérieur.

C'est lutter aussi contre le fait de penser à travers un écran. C’est être libre.

Que se passera-t-il, demain, si ces notions essentielles à la fondation de tout être humain, de toute société, sont battues en brèche ?  

C'est pourquoi, avec la comédienne et écrivaine Isabelle Carré, nous avons lancé une tribune adressée à Gabriel Attal et publiée à la rentrée 2024 dans Le Monde pour défendre la valeur profonde de l'écrit à l'école et en dehors, dans un monde tout-écran et bientôt tout IA. Elle avait été signée par 80 personnalités, d'Elisabeth Badinter à Grand Corps Malade.

Grand reporter ayant arpenté de nombreux terrains difficiles, je l’ai souvent constaté : les fractures sociales, la violence se nourrissent de l’absence de pensée, de l’absence de mots.

Voilà pourquoi j’ai créé ces ateliers en travaillant sur les notions de sens et de plaisir, qui sont essentielles et sources aujourd’hui pour moi d’émerveillement. Pendant deux heures, on enchaîne les jeux. On part de ses émotions, de ses sensations, de la vie de tous les jours, puis on invente des définitions de mots, un dialogue avec un arbre, on crée des animaux fantastiques, la maison de ses rêves en calligramme façon Apollinaire, on bâtit des mondes nouveaux, on s’échappe 20 000 lieues sous les mers avec Jules Verne, on réécrit “Liberté, j’écris ton nom” d’Eluard à destination de deux Ukrainiennes…

Les enfants viennent avec un cahier et des feutres. Je les fais beaucoup dessiner car je veux mettre en mouvement la pensée dans tous les domaines et les aider, visuellement, à prendre conscience de ce qu’ils écrivent, à être présents à ce qu’ils font. Je travaille toujours aussi, dans un deuxième temps, sur l’orthographe, avec eux, en expliquant que les mots sont vivants, que tout a un sens !

Mon envie est de susciter chez eux le goût de l’écriture et de la lecture, aussi, autant que possible.

Alors quand un enfant qui n’écrivait pas (ou alors tout au crayon à papier, pour effacer), arrive en me montrant une grand cahier noirci des phrases de son livre préféré sur le foot qu’il a recopiées le soir dans sa chambre, quand sa maman me dit qu’il s’est mis à lire, quand une petite arrive en me mettant dans les mains un “arbre à mots” qu’elle a fait seule, me demandant si c’est “la bonne orthographe”, quand des enfants parviennent à écrire un petit récit de science-fiction pour inventer leur monde de demain à la façon d’Asimov ou une “ville invisible” comme Italo Calvino et lisent à la fin leur petit “livre illustré”, tellement fiers, devant leurs parents… je suis comblée !